Actualités

Les articles du Cabinet Dalila MADJID

LE DROIT D’AUTEUR DES AGENTS PUBLICS

Avant la loi dite « DADVSI » du 1er août 2006, les agents de l’Etat, des collectivités publiques et des établissements publics à caractère administratif qui sont pour la plupart soumis aux dispositions statutaires de la fonction publique, créateurs d’une oeuvre de l’esprit, étaient privés de droits sur leurs oeuvres réalisées dans le cadre de leur fonction et avec les moyens du service.

Mais, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, la qualité d’auteur est dorénavant reconnu aux agents publics pour les oeuvres réalisées dans le cadre de leurs fonctions, sauf en matière d’oeuvres collectives.

En effet, l’article L. 111-1 alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

» L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous (…)

Il n’est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l’auteur de l’oeuvre de l’esprit est un agent de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France ».

1- La limitation du droit moral de l’agent sur son oeuvre

La limitation est prévue à l’article L. 121-7-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI).

Tout d’abord, il ressort de l’article L. 121-7-1 du CPI, que le droit de divulgation reconnu à l’agent public qui a créé l’oeuvre de l’esprit, dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues, est limité par les règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent public, comme l’obligation de discrétion et aussi, par les règles qui régissent son organisme d’appartenance (règlement intérieur ou décret constitutif de son organisme etc.).

Aussi, cet article prévoit que l’agent public ne peut s’opposer à la modification de son oeuvre lorsqu’elle est décidée dans l’intérêt du service public par l’autorité investie du pouvoir hiérarchique et lorsque cette modification ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation;

Et enfin, tel qu’il ressort de cet article, l’agent public ne peut exercer son droit de repentir et de retrait, sauf accord de l’autorité hiérarchique.

2- La limitation des droits patrimoniaux de l’agent sur son oeuvre

En principe, tout auteur d’une oeuvre originale dispose du droit exclusif d’exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire.

Néanmoins, l’article L. 131-3-1 du CPI prévoit que le droit d’exploitation d’une oeuvre créée par un agent de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions ou d‘après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l’Etat pour ce qui est nécessaire à l’accomplissement de missions de service public.

Autrement dit, l’administration dispose d’un monopole d’exploitation sur l’oeuvre créée par l’agent, ce qui la dispense de conclure un contrat de cession de droits pour obtenir la titularité du droit d’exploitation de l’oeuvre et ce, à double condition que : 1- l’oeuvre a été créée dans l’exercice des fonctions de l’agent ou d’après les instructions reçues; 2- l’usage qui en est fait par la personne publique doit présenter un caractère strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public.

Sur l’exploitation commerciale des droits patrimoniaux : L’article L. 131-3-1 du CPI énonce que si l’oeuvre créée par l’agent donne lieu à exploitation commerciale, la personne publique ne dispose envers l’agent que d’un droit de préférence.

Autrement dit, l’agent devra, avant toute exploitation commerciale de son oeuvre, proposer en priorité cette exploitation à son employeur. Excepté, en matière d’activités de recherche scientifique d’un établissement public à caractère scientifique et/ou technologique, culturel ou professionnel, lorsque ces activités font l’objet d’un contrat avec une personne morale de droit privé, les droits d’exploitation sont automatiquement cédés à l’employeur, même en cas d’exploitation commerciale de l’oeuvre.

Par ailleurs, « l’agent a ainsi le droit au versement d’une redevance destinée à compenser sa perte ».

3- Le cas particulier des agents créateurs disposant dans leur fonction « d’une grande autonomie intellectuelle voire une indépendance de jugement »

Le dernier alinéa de l’article L. 111-1 du CPI prévoit que :

« (…) Les dispositions des articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 à L. 131-3-3 ne s’appliquent pas aux agents auteurs d’oeuvres dont la divulgation n’est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l’autorité hiérarchique. »

Ce régime spécifique vise notamment les professeurs d’universités, les enseignants-chercheurs, et plus généralement « les agents qui disposent dans leurs fonctions d’une grande autonomie intellectuelle, voire une indépendance de jugement, même si celle-ci s’inscrit dans une hiérarchie », selon les débats parlementaires.

Ainsi, ces agents disposent de la plénitude de leurs droits d’auteur. Et en principe, aucune limite ne leur est infligée dans leur contrat.

En somme, en dépit de la qualité d’auteur, qui leur a été reconnue par loi DADVSI, les agents publics créateurs d’oeuvre de l’esprit ne peuvent pas revendiquer si facilement leur création.

En effet, au-délà de la condition d’originalité que doit remplir une ouvre de l’esprit, l’agent public ne peut pas revendiquer la qualification d’oeuvre de l’esprit, si sa création a contribué de façon nécessaire à la réalisation de la mission de service public qui lui a été confiée et si l’autorité hiérarchique disposait d’un contrôle préalable sur l’oeuvre créée par l’agent.

Tags: , , , , , , ,

Faites un commentaire