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Les articles du Cabinet Dalila MADJID

La qualité de co-employeur

Un salarié a été engagé en qualité de directeur d’usine par une société X France, filiale française d’une société X SSA, société de droit italien appartenant à un groupe italien.

La société X France ayant été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce, le salarié a été licencié pour motif économique le liquidateur judiciaire.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour voir fixer au passif de la société X France une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le CGEA a mis en cause la société X SSA en tant que co-employeur du salarié.

Selon les juges du fond, les sociétés X France et X SSA ont la qualité de co-employeurs et ils les ont condamné solidairement au paiement d’une somme à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel a retenu que X SSA détient quasiment en totalité le capital social de la société française, que l’ensemble des directeurs généraux et directeurs d’usine sont des salariés du groupe X et même de X SSA qui règlent leurs rémunérations, que non seulement les dirigeants mais aussi de nombreux salariés disposant de responsabilités fonctionnelles importantes au sein de l’entreprise sont mis à disposition et payés par le groupe, que le président du groupe est également président de X France tandis que les responsables administratif et financier et responsable de la logistique étaient mis à disposition par le groupe, que les accords annuels sur les salaires et la durée du travail étaient conclus par les dirigeants du groupe ou des mandataires mis à la disposition par le groupe.

Le salarié seul directeur qui ait été salarié par la société française, et ayant en charge les ressources humaines, était toujours assisté par un représentant du groupe pour signer les accords liés aux négociations annuelles obligatoires, que la société X SSA s’est engagée au cours du redressement judiciaire à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l’emploi et a co-signé le protocole de fin de grève, que la société X SSA négociait les contrats pour l’ensemble du groupe avec les sous-traitants du premier niveau puis les répartissait au sein de ses filiales en fonction de leur capacité à produire ses équipements, que les clients n’étaient pas attitrés à la société X France mais gérés directement par le groupe, que X France ne disposait ni d’un service commercial ni d’un service recherche-développement en sorte que tant au niveau de la recherche de nouveaux marchés ou encore des négociations d’achat, c’est le groupe qui assurait toutes les fonctions.

Cependant, pour la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 juillet 2016, publié au Bulletin, a prédiqué qu’ hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur, à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrerune confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

Et selon la Haute juridiction, en statuant comme elle a faite, alors que le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et agissent en étroite collaboration avec la société mère, que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur la politique de développement ou la stratégie commerciale et sociale de sa filiale et que la société mère se soit engagée au cours du redressement judiciaire à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l’emploi ne pouvaient suffire à caractériser une situation de co-emploi, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 1221-1 du Code du travail.

L’article L. 1221-1 du Code du travail dispose que : « Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter« .

(C.cass. Ch. Soc. 6 juillet 2016 n°14-26541) 

Dans un arrêt rendu la même date, la Cour de cassation donne une illustration d’une situation de co-emploi (Cass. soc. Ch. soc. 6 juillet 2016 n°15-15481 à 15-15545 ):

« La société 3 Suisses France faisait partie du groupe 3 Suisses International lequel était détenu à 51 % par le groupe de droit allemand Otto.

Le groupe 3 Suisses International était structuré en quatre domaines d’activité dont le commerce à destination des particuliers exercé par la société Commerce BtoC, laquelle contrôlait plusieurs enseignes et sociétés dont la société 3 Suisses France.

A partir du mois de décembre 2010, la société 3 Suisses France a réuni son comité d’entreprise en vue de la présentation d’un projet de réorganisation emportant la fermeture des espaces boutiques et le licenciement économique de l’ensemble des salariés qui y travaillaient.

Soixante cinq des salariés licenciés en janvier 2012 dans le cadre de ces fermetures ont contesté la validité de ces licenciements pour insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et demandé la condamnation in solidum des sociétés 3 Suisses France, 3 SI Commerce, anciennement dénommée 3 SI BtoC, et Argosyn, anciennement dénommée 3 Suisses International.

Les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum à verser aux salariés une indemnité au titre de la nullité du licenciement.

La Cour d’appel a relevé qu’au moment de la réorganisation, la société 3 SI Commerce anciennement dénommée Commerce BtoC se confondait totalement avec la société 3 Suisses International, dont elle n’était qu’une émanation et n’avait pour objet que de faciliter la transformation de la société 3 Suisses France et des autres sociétés du domaine en de simples  » business unit  » relevant directement du groupe.

Que la distinction de la société Commerce BtoC avec la société 3 Suisses international était particulièrement malaisée comme en atteste le fait que les contrats d’assistance, mis en oeuvre par la société Commerce BtoC, avaient été conclus avec la société 3 Suisses international.

Que cette réorganisation a conduit à une immixtion de la société BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France par le transfert de ses équipes informatiques, comptables et surtout de ressources humaines notamment dans la formation, la mobilité et le recrutement.

Qu’ainsi au cours d’une réunion du comité d’entreprise le 10 novembre 2010, tant le directeur général de la société 3 Suisses France et membre du comité de direction BtoC que le directeur des ressources humaines de la société et du domaine BtoC rappelaient que ce dernier disposait d’un pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant de ce domaine dont la société 3 Suisses France.

Que ce même directeur mentionnait au cours de cette réunion que l’organisation du recrutement était centralisée afin qu’il puisse disposer d’une vision globale de tous les postes à pourvoir dans le domaine, la société 3 Suisses France étant totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement ; qu’il qualifiait de cabinet de recrutement le service ressources humaines BtoC, devenu le seul interlocuteur par l’effet d’une délégation de fait dans ce secteur par la société 3 Suisses France afin que son dirigeant ne s’occupe plus désormais que de l’opérationnel ; qu’en outre la société Commerce BtoC, prenait en charge tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 Suisses France au moyen de son service comptabilité clients et bancaire dont le contrôle s’exerçait jusqu’aux feuilles de caisse mensuelles que les responsables des espaces 3 Suisses France devaient transmettre régulièrement à ce service ; qu’enfin, c’est le service juridique de la société 3 Suisses international qui a substitué la société 3 Suisses France dans ses démarches auprès du parquet à l’occasion des poursuites pénales engagées contre des hôtesses prévenues de détournement d’argent au préjudice de la société 3 Suisses France et a été amené à intervenir pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l’occasion de la fermeture des espaces.

Selon la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les sociétés, qu’en l’état de ces constatations, la Cour d’appel a ainsi caractérisé, au delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion des sociétés 3 Suisses International devenue Argosyn et Commerce BtoC devenue 3 SI Commerce dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France. »

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