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Création d'un site internet par un salarié : ne pas confondre savoir-faire et originalité

Une salariée a été embauchée comme infographiste par une société dont l’activité est la conception, le développement et la maintenance de sites internet.

La salariée a été licenciée pour usage abusif des outils informatiques mis à sa disposition à des fins personnelles et durant son contrat de travail.

La salariée a assigné la société devant le Tribunal de grande instance de Rennes afin de se voir reconnaître la qualité d’auteur sur les oeuvres qu’elle a créées dans le cadre de son contrat de travail, et de voir la société condamné à lui verser divers sommes, notamment celle au titre de la cession de ses droits patrimoniaux sur les oeuvres qu’elle a créées.

Les premiers juges ayant donné gain de cause à la salariée, la société a interjeté appel du jugement.

La Cour d’appel de Rennes rappellent le fondement des prétentions de la salariée, à savoir les dispositions du Code de la propriété intellectuelle protégeant les oeuvres de l’esprit, c’est-à-dire les articles L. 111-1 et suivants.

A ce titre, un site internet est susceptible de protection par le droit d’auteur si son créateur démontre que sa facture témoigne d’une « physionomie caractéristique originale et d’un effort créatif témoignant de la personnalité de son auteur. »

Ainsi, la salariée a versé comme pièces, visant à démontrer l’originalité de ses créations, les pages d’accueil et pages intérieures de soixante-six sites qu’elle a créés pour le compte de son employeur. Il s’agit essentiellement de sites d’entreprises commerciales ou d’administrations locales.

Selon la Cour, pour chaque site : « la mise en valeur de l’activité du client a simplement consisté à insérer dans quelques cadres colorés des images en relation directe avec son activité ».

La Cour ajoute qu’: » il en résulte des sites internet de facture très classique, ayant consisté à créer des cadres colorés et dynamiques dans lesquels sont présentés des objets immédiatement reconnaissables en relation directe avec l’activité du client. »

Par exemple, un site de brioche vendéenne présente une brioche découpée.

La Cour précise également, que les travaux de la salariée témoignent d’une technicité graphique et d’un savoir-faire certains, qui lui permettent dans le cadre de son contrat de travail, de conserver une certaine autonomie dans le choix des éléments, des couleurs et des ambiances à mettre en valeur.

Toutefois, d’une part, cette autonomie étant limitée par les instructions très précises que les clients donnaient à la salariée quant aux tailles et emplacements des logos, images et caractères d’impression.

D’autre part, certains graphismes n’ont été que la reprise de graphismes réalisés antérieurement par des tiers, dont l’entreprise se servait déjà avant de créer un site internet.

Et surtout, la Cour d’appel rappelle un élément important selon lequel: « la technicité fonctionnelle ne peut se confondre avec la créativité et l’originalité qu’impliquent la création d’une oeuvre de l’esprit, que la salariée a été dans l’incapacité de mettre en exergue dans les commentaires dont elle a gratifié chaque site. »

Par conséquent, la Cour en déduit qu’à défaut de preuve qui incombait à la salariée , les pages graphiques des sites internet dont elle a eu la charge lorsqu’elle était salariée ne peut être considérée comme des oeuvres de l’esprit et ne peuvent à cet effet, être protégées par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle.

La Cour a ainsi débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes, elle a infirmé la décision des premiers juges, et elle a de surcroît condamné la salariée a versé à son employeur des dommages et intérêts pour des faits constitutifs de concurrence déloyale, en raison d’autres éléments du dossier.

En conclusion, ce qu’il faut retenir de cet arrêt est qu’ un salarié, avant toute action en justice ou avant toute revendication de propriété d’une oeuvre, doit se poser préalablement la question de l’existence de l’originalité de sites internet qu’il a créé.

(Cour d’appel de Rennes 1e chambre, 13 mai 2014)

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